Les Suédois de CRIMSON MOONLIGHT cochaient, à leurs débuts, les cases pour ne pas trop se démarquer des autres têtes de pont rutilantes du Black Metal Symphonique. Dur, dur de se démarquer dès lors qu’une scène inscrivait dans le marbre ses codes et sa culture, et d’arriver à s’en départir. Forcément, le groupe en a fait rapidement son parti, refusant notamment de se grimer, de s’enticher de clous et condamnant cette mascarade, pour continuer son bonhomme de chemin sans trop chercher à forcer le destin, mais en se faisant suffisamment confiance pour développer, comme ils le souhaitaient, leurs propres motifs sonores sans jamais se dévoyer.
Il faut aussi indiquer que CRIMSON MOONLIGHT fait partie de cette mouvance que certains ont qualifiée de UnBlack Metal. Autrement dit, nos Suédois sont chrétiens, comme ANTESTOR par exemple, et leur recherche d’identité s’est cristallisée davantage autour de Jésus Christ qu’autour de la Mort ou de sombres bébêtes cornues. Lisez les paroles ! Les propos sont clairs de ce côté-là également. Du reste, malgré son orientation religieuse, ce disque est respecté de la scène Black Metal dans son ensemble, notamment par sa qualité musicale, ses ambiances plutôt réussies, et sa sincérité de propos.
"Eternal Emperor" est ce premier EP resté dans l’ombre des deux albums du début des années 2000 que sont "The Covenant Progress" (2003) et "The Veil Of Remembrance" (2004). Pourtant sous ses abords très DIMMU BORGIR-iens de l’époque, CRIMSON MOONLIGHT arrive à nous embarquer dans ses sphères gothiques avec une certaine ferveur avec ce premier EP. Bien plus symphonique que les deux albums suivants suscités, non daignés d’intérêt mais qui ne m’ont jamais véritablement transcendé, "Eternal Emperor" fait la part belle aux claviers d’Alexander Van Orest qui sait très bien y faire pour nous administrer quelques belles nappes envoûtantes. Écoutez par exemple la très belle instrumentale "Symphony Of Moonlight" toute de grâce enveloppée, ou les débuts plus ténébreux du titre éponyme qui paraissent nous embarquer dans un univers moyenâgeux d’un jeu de l’époque (à la Heretic ou Hexen).
Du reste, ce titre, plutôt bien fichu, s’écoute avec plaisir malgré quelques maladresses du côté de la batterie, qui, sans jamais défaillir, manque tout de même de singularité. Ce titre, d’ailleurs, se verra réenregistré au sein du premier album "The Covenant Progress" avec une production plus moderne, mais sonnant de manière moins authentique. D’une manière générale, CRIMSON MOONLIGHT, sans nous écarquiller les yeux, nous produit un beau Black Metal Symphonique aux consonances un poil romantiques et poétiques au sein de cet EP ou MCD, comme l’on disait à l’époque. "Eternal Emperor" contient donc cette lumière divine et cette vision lyrique de la foi comme illumination nocturne.
L’objet est aujourd’hui assez recherché et aura influencé d’autres groupes tels que les Mexicains de HORTOR, ou bien encore les Norvégiens de VAAKEVANDRING. Malgré leurs quelques maladresses (un chant perfectible, et une batterie pas superbement calée et variée), "Eternal Emperor" passe l’épreuve du temps sans trop défaillir. Il s’agit donc d’un oublié de l’histoire, le petit joyau d’un groupe qui n’avait pas franchement beaucoup d’amis au sein d’une scène bien arcboutée sur ses principes diaboliques et parfois haineux.