Cet œil qui vous scrute intensément est celui de Dan, l’homme-orchestre, l’homme de tous les paris, de toutes les expériences intenses, de tous les projets. En 1999, son groupe phare, EDGE OF SANITY, prend quelque peu la flotte et périclite (même s’il ressuscitera en 2004 avec "Crimson II"), les autres membres se désinvestissant du groupe, certains préférant aller à la pêche plutôt qu’aller répéter... N’y tenant plus, Dan s’en échappe (après s’être fait outrageusement virer – terrible coup du sort –, par ses acolytes). Il s’empresse d’aller produire des albums dans son fameux UNISOUND STUDIOS où sont passés déjà des artistes tels que DIABOLICAL MASQUERADE, DISSECTION, MARDUK, DARK FUNERAL, KATATONIA. Il continue de participer en guest ou de poser des riffs dans d’autres groupes dont il fait partie, mais surtout il veut plus que tout enregistrer SON album, celui dans lequel nul autre ne pourrait interférer, ni entraver sa création. Cet album existe, il s’agit de ce "Moontower" qu’il mûrissait déjà du temps de EDGE OF SANITY.
Enregistré dans son nouveau studio en projet, The Sanctuary, Dan Swanö y invite une grande connaissance en l’espèce de Mikael Åkerfeldt, compositeur principal du groupe OPETH – dont il avait produit les deux premiers albums que sont "Orchid" et "Morningrise" –, pour y tester de nouvelles sonorités et trouver le son d’un projet solo de Mikael nommé Sörskogen (qui, du reste, ne verra pas le jour). De cette session, Dan y trouvera le matériel original nécessaire pour créer l’ADN musical de "Moontower" : un son progressif rappelant les sonorités de certains groupes des 70’s, notamment GENESIS ou RUSH, ainsi que ceux du Krautrock, mais aussi l’ambiance de groupes contemporains de l’époque et tout aussi suédois que lui, tels que LANDBERK, ou bien encore ÄNGLAGÅRD. L’utilisation du Mellotron, du fameux Moog ici dans sa version Mini, mais aussi de l’orgue Hammond et d’amplis à tubes participent à ce que ce "Moontower" devienne une pièce originale du registre Death Metal, et un ovni à part entière qui n’aura jamais son pareil.
L’album pourrait désarçonner en premier lieu tant le Mellotron y joue un rôle prépondérant dans les envolées mélodieuses sur nombre de morceaux. Les guitares paraissent avant tout appuyer les claviers, parfois de la plus belle des façons, comme sur "The Big Sleep" et "Uncreation", où des soli magnifiques pimentent les titres. Mais le talent de Dan s’exerce bien évidemment, notamment par son ingéniosité à y combiner des riffs de guitare tout à la fois complexes, véloces et aériens, aux notes atmosphériques et spatiales produites par les claviers ("Sun Of The Night"). Les growls, toujours aussi caverneux, de Dan sont toujours aussi savoureux et les guitares, qui présentent moins de distorsion qu’à l’accoutumée, permettent de faire muer ce Death Mélodique vers du Progressif psychédélique. La piste instrumentale "Encounterparts" pourrait être l’ultime témoignage de cet amour immodéré de Dan pour les expérimentations inassouvies et les quêtes sonores qui l’animent.
Tous les titres comportent leur lot d’intérêts, et aucun d’entre eux ne traîne en longueur. Le son quelque peu kitsch du Mellotron et du Mini-Moog pourrait en rebuter certains ou, du moins, les amuser, mais le génie de Dan balaiera rapidement ces grincements de dents ou ces ricanements. L’album est donc d’une belle originalité et reste, pour l’heure, le seul de Dan Swanö dans sa carrière solo. Il s’agit donc d’une œuvre à cœur ouvert, tout à la fois précieuse et intemporelle pour son auteur, mais aussi sans doute pour une bonne partie de son public. Pour les intéressés qui souhaitent aller plus loin, je vous propose aussi d’écouter le "A Wayfarer’s Tears" de GODSEND, sorti en 1997. Un certain Dan Swanö y tient le chant, les claviers, utilise le Hammond et le Mini-Moog, et produit une partie de l’album, et cet album de Doom est aussi solide que magnifique.