Dès les premières notes de cet album, l’émotion monte et vous serre le cœur. Quelque chose d’invisible et de doux s’agrippe à vous, vous touche et prend vos mains. Le titre éponyme d’ouverture s’avance dans votre direction pour vous ouvrir une porte secrète menant dans un monde sylvestre hors du temps. La voix grave et posée de Schwadorf, tel un barde forestier, vous conte, avec l’appui d’une guitare exclusivement acoustique et des élans de flûtes enchanteresses, une ode à la nature, à la solitude contemplative et à la beauté crépusculaire.
Cet album marque un tournant dans la discographie d’EMPYRIUM après un "... A Wintersunset" (1996) et un "Songs Of Moors And Misty Fields" (1997) empreints d’un Black Metal déjà bien trempé dans l’encre de la tristesse et de la mélancolie romantique. Épuré, intime, introspectif, "Where At Night The Wood Grouse Plays" se débarrasse de la saturation des guitares et des vociférations pour embrasser – à la manière du "Kveldssanger" de ULVER, de certains travaux de la néofolk allemande (FORSETI, OF THE WAND AND THE MOON), ou des albums d’Ambient/Folk des Finlandais de NEST ou de TENHI – la délicatesse infinie, atmosphérique des arpèges, tout en nous invitant à communier avec son Dark Folk acoustique et pastoral.
Ce coq de bruyère mâle, perché sur ce sapin, nous laisse vivre cet instantané sauvage où la beauté naturelle est intemporelle et s’anime sans se soucier du reste, mais seulement mû par les desseins de ses instincts. Novalis nous disait que "l'amour n'est rien d'autre que la suprême poésie de la nature" (*), et nous ressentons cette empreinte des premiers poètes romantiques allemands (bien avant ceux du « Sturm Und Drang »), tels que Novalis justement et Eichendorff, dans les compositions de cet album. Cette demi-heure de vertiges gracieux, de brume harmonieuse, de paysages sonores, est admirable. Markus Stock, alias "Schwadorf", a seulement vingt ans lorsque sort "Where At Night The Wood Grouse Plays", et si l’âge n’est jamais un argument, il éveille la curiosité et le respect le plus profond lorsque l’on ressent, au plus profond de son être, l’écho, l’inspiration et la maturité exceptionnelle, incroyable, de cet album d’une beauté renversante. Un chef-d’œuvre absolu.
(*) Friedrich von Hardenberg, dit Novalis, in "Heinrich von Ofterdingen" (1802).