Un odieux grésillement pour aborder l’album, comme un mauvais présage du temps à venir, "Filosofem" démarre et ne lâchera plus les cervelles. BURZUM s’annonce et impose son espace sonore comme L’Évidence. Varg Vikernes est un damné, un ténébreux solitaire et possédé, son esprit ambitieux aura permis de balayer toute la poussière médiocre et facile qui s’était accumulée autour de lui. Tout a été dit de lui, de ses méfaits, de leurs commentaires à l’emporte-pièce. On lui aura prêté tous les scénarios possibles et immondes, sondé et analysé tous ses grimacements, ses attitudes. Je pourrais narrer le reste, combler mes lacunes de compréhension par maintes associations, aucun d’entre nous n’aura la réponse. Varg Vikernes est, et restera, une soudaine crue inondant insidieusement les éléments terrestres, et les flots ombreux de "Filosofem" sont l’annonciation mais aussi l’espoir du surgissement du règne du néant. Alors pour ce faire, l’album se veut volontiers hypnotique ("Gebrechlichkeit I" et "Gebrechlichkeit II"), comme pour mieux isoler les émotions et les ressentis. C’est une œuvre à la nuit, à l’obscurité totale, à l’introspection cruelle et bouleversante. Si l’on écoute notamment la formidable instrumentale "Rundtgåing Av Den Transcendentale Egenhetens Støtte", on ne peut que se transporter et voyager à l’intérieur de ses propres abîmes. C’est toute la pérennité et l’audace de l’œuvre du comte Grischnack : produire une ligne infinie vers l’horizon, qui restera un voyage personnel et unique.
Combien d’âmes BURZUM aura-t-il sauvées ? Grâce à ses expériences extrêmes, il aura comblé le vide du jusqu’au-boutisme. La démarche artistique de BURZUM était totale et sans retour possible. La saveur crasse de ses pulsions criminelles et leurs accomplissements auront mis aussi un coup d’arrêt à ceux d’autres. Beaucoup auront rêvé de libérer leurs ressentiments ou de s’en décharger à l’instar de Varg Vikernes. Il héritera de cette paternité, mais ce père spirituel gardera de lui seul cette image brumeuse se détachant du spectre humain et lévitant narquoisement au-dessus de la mêlée et des brebis galeuses que nous sommes tous par faiblesse. BURZUM est le grand commanditaire des insoumis, les laissant abruptement, pour toujours, à leur si triste mais juste sort. Lui, à la suite de "Filosofem", ira croiser le fer avec Euronymous pour le débusquer et s’emparer de son aura. Varg Vikernes, toujours dans la toute-puissance, vivra son procès comme la dernière bataille contre l’ordre établi. Le meurtre, comme les incendies, n’étant à son sens que l’expression d’une intention juste et strictement nécessaire de redonner de l’ombre à la lumière et ternir l’histoire pour le chaos.